Nous sommes trois ONG et huit victimes du changement climatique à porter plainte contre les dirigeants et les actionnaires majoritaires de TotalEnergies. Nous avons décidé d’agir collectivement en justice pour que les crimes climatiques soient sanctionnés et pour empêcher les spéculateurs financiers du chaos climatique de prendre de nouvelles décisions aux conséquences meurtrières.

Nous venons de France, du Mexique, de Belgique, d'Australie, du Zimbabwe, des Philippines, de Grèce et du Pakistan. Nous sommes des ONG déterminées à lutter contre le changement climatique ainsi que des survivants ou des victimes d'événements extrêmes tels que les vagues de chaleur, les inondations, les cyclones, les tempêtes et les incendies de forêt. Beaucoup d'entre nous ont perdu des proches dans ces événements, et nous avons tous été personnellement affecté·es : traumatismes, conséquences sur la santé physique et mentale, perte ou destruction de biens tels que nos maisons.
LES SURVIVANT•ES
LES ONG
"Tard dans la nuit, je me suis réveillée en voyant l'eau pénétrer dans notre maison. Elle continuait à monter, alors nous avons fui vers un terrain plus élevé, abandonnant notre maison. Cette nuit-là, nous avons tout perdu, jusque-là vie de ma sœur qui est morte en couche faute de soins."
Khanzadi
25 ans, Pakistan

Khanzadi a survécu aux pluies de mousson extrêmes qui se sont abattues sur le Pakistan en 2022 et ont provoqué des inondations dévastatrices qui ont touché un tiers du pays, détruit des maisons, des barrages, des hôpitaux, des centaines de kilomètres de routes et tué plus de 1 700 personnes. Khanzadi a été témoin de la mort de sœur et de la destruction de sa communauté alors qu'elle était poussée sur les routes par les inondations, comme deux millions de personnes dans son pays. Cet événement extrême est attribué au changement climatique, qui a accru l'intensité des précipitations de 50 à 75 %.



“Je m’appelle Khanzadi Kapri et je suis originaire du modeste village de Fazal Muhammad Kapri, dans le district de Mirpur Khas Sindh. La vie des habitants du village était très simple mais épanouissante dans la verdure luxuriante des champs où l’on cultive principalement du blé, du coton et du tournesol.

Mais en août 2022, il y a eu de terribles inondations. Le canal de Jamrao et le Rann of Kach n’ont pas pu supporter la pluie. L’eau a débordé et des torrents se sont déchaînés, engloutissant de vastes étendues de terre, y compris mon district bien-aimé de Mirpur Khas.

Tard dans la nuit, je me suis réveillée en voyant l’eau pénétrer dans notre maison. Elle continuait à monter, alors nous avons fui vers un terrain plus élevé, abandonnant nos animaux et nos biens. Le déluge incessant n’a épargné aucun recoin, inondant nos maisons, nos champs et nos espoirs pour l’avenir.

Ma communauté s’est retrouvée plongée dans un cauchemar aux proportions inimaginable. 208 villages ont succombé à la marée implacable, leurs habitants se retrouvant sans abri et impuissants face à la fureur de la nature. Après cette nuit, nous étions bloqués sur les routes, sans abri, endurant la pluie et la faim. Les rues étaient vides, les magasins fermés, comme s’ils pleuraient la destruction causée par les inondations.

Au cours de ce chaos, une chose terrible est arrivée à ma famille et m’a brisée en mille morceaux. Ma sœur, qui était enceinte et sur le point d’accoucher, est morte dans les douleurs de l’accouchement, car nous n’avons pas pu l’emmener dans un hôpital. Mon frère et moi avons beaucoup essayé d’atteindre le centre de santé le plus proche, situé à environ 15 kilomètres de mon village, mais il n’y avait aucun moyen de transport disponible et l’eau des inondations était trop haute pour s’y rendre en marchant. La perdre nous a fait beaucoup de mal et nous a laissé une tristesse infinie.

Lorsque les eaux se sont retirées, tout était endommagé et triste. Ma terre fertile était détruite. Malgré tout, l’espoir subsistait.

J’ai commencé à travailler dur pour aider ma communauté à rebondir. J’ai utilisé mes talents d’écrivain et d’oratrice pour défendre les personnes en difficulté. J’ai remarqué que de nombreuses femmes n’avaient pas d’articles sanitaires ou de soins de santé appropriés. J’ai donc rassemblé de la nourriture, de l’eau et des médicaments et organisé des camps médicaux.

Même si les dégâts causés par les inondations restent gravés en nous, ils nous rappellent à quel point nous sommes forts lorsque nous travaillons ensemble. Nous ne nous laisserons pas abattre par les difficultés. Au contraire, nous continuerons à aller de l’avant, aspirant à un avenir meilleur où rien ne pourra entamer notre espoir.”

"Nous sommes arrivés aux alentours de 9 heures sur le terrain et avons découvert que la maison où se trouvait ma mère avait totalement disparu. La bâtisse à trois étages avait été emportée par l’inondation. A la place, il y avait un torrent d’eau et de boue. Je n’ai aucun mot pour décrire ce que j’ai ressenti à cet instant précis."
William
28 ans, France

William et sa sœur ont perdu leur mère lors de la tempête « Alex » qui a durement frappé la France en 2020. Cette tempête a provoqué des inondations soudaines et massives qui ont détruit plusieurs vallées du sud-est de la France, dont la vallée de la Vésubie où vivait leur mère. Les inondations ont détruit des ponts, des routes et des maisons entières, y compris celle de leur mère Son corps n'a été retrouvé que treize jours plus tard par William, qui a désespérément fouillé la zone dévastée pour la retrouver. Ils poursuivent TotalEnergies pour homicide involontaire. La tempête Alex est une violente tempête extratropicale attribuée au changement climatique.



“L’après-midi du vendredi 2 octobre 2020, je reçois un appel de mon oncle m’indiquant que de violents orages surviennent dans le village où habite ma mère et qu’il a perdu le contact téléphonique avec elle.

Je découvre les images retransmises par les médias et comprends alors l’ampleur du désastre. De très violentes intempéries se sont abattues sur la vallée de la Vésubie provoquant une crue démentielle de la rivière du Boréon. Le pont de MaÏssa avait cédé en aval, emporté par la rivière et libérant un véritable raz-de-marée qui s’était engouffré dans la vallée, emportant tout sur son passage. Historiquement, aucun évènement de ce genre n’était arrivé́ depuis un millénaire.

Aucun service de secours n’était capable de communiquer des informations sur l’état de sûreté et santé des habitants car les routes d’accès et les communications étaient coupées.

Le lundi suivant, mon oncle et moi décidons de ne pas attendre plus longtemps et de traverser le pont ébranlé par la tempête permettant l’accès au village afin de lever nos incertitudes. Nous arrivons aux alentours de 9h sur le terrain et découvrons que ma maison a totalement disparu. Aucune fondation visible ; la bâtisse à 3 étages a été remplacée par le lit de rivière. Je n’ai aucun mot pour décrire ce que je vois et ressens à cet instant précis.

Grâce aux derniers échanges entre mon oncle et ma mère avant la coupure du réseau téléphonique, nous étions quasiment sûrs qu’elle n’avait pas quitté son domicile durant la tempête, et n’aurait de toute façon pas pu. A partir de ce moment, mon inquiétude grandissait, alimentant mon obsession de devoir retrouver le corps de ma mère.

Je décide de rester sur place pour aider les sauveteurs à sécuriser les habitants lors de leur passage le long de pont endommagé qui permet de rejoindre le village, et de commencer mes recherches. Pendant plusieurs jours, j’ai écumé le lit de la rivière en quête de la moindre trace de vie ou reste de vie de ma mère, mais mes recherches restaient vaines.

Après 13 jours, un autostoppeur m’informe qu’un corps a été déterré la veille, trouvé à la suite de la présence de loups qui rodaient autour. La gendarmerie m’apprend alors la triste mais rassurante nouvelle : ce corps est bien celui de ma mère. Elle se trouvait là depuis tout ce temps, à 100m de chez elle. Les secours ont même retrouvé certains corps à plus de 20km de leur dernier lieu de signalement. Avant la mise en cercueil de ma mère, nous avons pu, ma sœur et moi, apercevoir sa main ou du moins ce qu’il en reste. C’est à ce moment, que nous avons pu réellement réaliser que, oui, notre mère était bel et bien morte.”

"Le matin, lorsque je suis sortie, il pleuvait toujours et quelque chose était différent dans les montagnes. La belle terre de Chimanimani s'était transformée en une mer de cadavres, d'eau sale, de propriétés et de ponts détruits, de boue et de rivière en crue."
Hilda
23 ans, Zimbabwe

Hilda a survécu en 2019 au cyclone Idai qui a déplacé des millions de personnes dans plusieurs pays d'Afrique australe et a été reconnu par l'Organisation Météorologique Mondiale (OMM) comme l'une des pires catastrophes de l'hémisphère sud. Hilda a été touchée par les tempêtes et les inondations qui en ont découlé, tout comme sa famille, ses amis et son village. Elle s'est maintenant engagée à lutter contre le changement climatique et à faire entendre la voix de sa communauté dans le monde entier. Le cyclone a été aggravé par le changement climatique.



“Cette nuit fatidique, j’ai réalisé que le changement climatique est une question de droit humain. Beaucoup ont été privés de leur droit à la nourriture, au logement ou à des vêtements appropriés. Voir et comprendre que mon village, Chimanimani, ne serait plus jamais comme auparavant, a été très difficile.

Je m’appelle Tinovimbanashe Hilda Tendeukai et je suis une survivante du dévastateur cyclone Idai qui a coûté la vie à des milliers de personnes le 15 mars 2019.

Cette nuit-là, j’étais chez moi avec ma sœur jumelle et nous avions décidé de nous coucher tôt car les pluies étaient très fortes. J’ai été réveillée par le sol qui tremblait et le bruit de dehors, des éclairs retentissants et des pluies anormalement fortes. Paniquée, je suis sortie dans le noir, mais quand j’ai mis le pied dehors, les routes étaient inondées et les maisons emportées par les flots. Les gens criaient à l’aide ; d’autres fuyaient dans l’obscurité.

Nous sommes allés nous réfugiées chez un voisin et sommes restés pour le reste de la nuit. La seule chose à laquelle je pouvais penser était mon lendemain, si j’allais survivre ou non.

Le matin, lorsque je suis sortie, il pleuvait toujours et quelque chose était différent dans les montagnes. La belle terre de Chimanimani s’était transformée en une mare de cadavres, d’eau sale, de propriétés et de ponts détruits, de boue et de rivière en crue. Les gens couraient dans tous les sens à la recherche de leurs proches et d’autres essayaient de comprendre ce qui s’était passé. Le courant de boue avait été dévié et avait épargné notre maison. Avec ma sœur jumelle, nous avons rejoint d’autres personnes et évacué cette terre dévastée pour retrouver nos parents.

En chemin, alors que nous nous aidions à traverser les rivières en crue, ma sœur jumelle a failli être emportée par les flots. Dieu merci, elle a été secourue mais elle garda longtemps des séquelles à la jambe. Quand je suis arrivée chez ma mère, nous avons toutes pleuré car elle était inquiète et impuissante, n’ayant pu rejoindre le village.

Quand je suis retournée à Chimanimani, j’ai appris qu’une de mes amies les plus proches avait été emportée par les pluies. J’ai pleuré et prié Dieu pour qu’au moins son corps soit retrouvé mais toutes les recherches ont été vaines. La douleur me dominait, le chagrin était désormais ma définition. J’ai passé plusieurs nuits sans pouvoir dormir, à penser à ce qui s’était passé et essayer de faire face à la douleur et au traumatisme.

Maintenant, je suis activiste pour le climat et je travaille pour que les voix de ma communauté puissent être entendues, pour défendre les droits des femmes qui sont devenues plus vulnérables après le cyclone et pour demander justice climatique.”

"Les vents violents ont arraché le toit, détaché la porte principale, l'ont projetée à plusieurs mètres de là et ont brisé les vitres. À un moment donné, une tôle ondulée provenant de la maison du voisin a volé vers nous. À cet instant, j'avais déjà accepté mon destin, pensant que nous allions mourir."
Frank
29 ans, Philippines

Frank est un survivant du typhon Rai, connu aux Philippines sous le nom de « super typhon Odette », et qui a frappé le pays en décembre 2021. Frank se trouvait dans son village de Basilisa, Dinagat, lorsque le super typhon Odette a semé la mort et la destruction. Il n'y avait pas de refuge sûr, et les conséquences ont été encore plus difficiles : des mois après, plus de 2,4 millions de personnes avaient encore besoin d'aide et restaient exposées à des catastrophes climatiques extrêmes. Le typhon Rai a été le deuxième typhon le plus coûteux de l'histoire des Philippines, après le typhon Haiyan en 2013. Les typhons deviennent de plus en plus intenses avec le réchauffement de l'atmosphère.



“Je m’appelle Frank Nicol Marba, j’ai 29 ans et je vis dans les îles Dinagat, aux Philippines. En 2021, j’ai été touché par le typhon Odette qui a lourdement frappé mon village et de nombreuses îles des Philippines.

Comme d’autres Philippins, j’attends le mois de décembre avec impatience, car c’est une période de festivités et j’étais rentré chez moi, impatient retrouver ma grand-mère.

La veille de l’arrivée d’Odette, tout semblait normal et paisible. Nous sommes habitués aux typhons et nous pensions qu’Odette était comme tous les autres qui nous avaient frappés par le passé.

Mais la panique s’est emparée de nous lorsque le temps est devenu violent dans l’après-midi du 16 décembre 2024. Ma grand-mère et moi, espérant que la tempête se terminerait bientôt, sommes restés dans la cuisine, partie la plus solide de la maison. Les pluies torrentielles et les rafales violentes ne nous ont pas laissé d’autre choix que d’évacuer vers la maison d’un parent située à quelques mètres de la nôtre.

Mais nous n’y étions pas en sécurité non plus. Les vents violents ont arraché le toit, détaché la porte principale, l’ont projetée à plusieurs mètres de là et ont brisé les vitres. À un moment donné, une tôle ondulée provenant de la maison du voisin a volé vers nous. À cet instant, j’avais déjà accepté mon destin, pensant que nous allions mourir.

Quand Odette a atteint son apogée, la pression a fait trembler et vibrer le sol et la maison. Je grelottais dans le froid et je souffrais de multiples lacérations aux pieds causées par des éclats de verre sur le sol. J’étais à bout de nerfs, persuadé que la maison était sur le point de s’effondrer.

Une fois la tempête passée, nous n’avons pas pu sortir parce qu’il faisait nuit noire et que nous ne pouvions rien voir. Nous avons essayé de dormir sur les planches avec nos vêtements trempés, affamés et terrifiés. Ce furent les seize heures les plus longues de ma vie.

Mais ce qui m’a le plus affecté, c’est la vue de ma grand-mère adorée qui était complètement épuisée ; elle était devenue si faible, j’étais terriblement inquiet.

Dès le matin suivant, les dégâts étaient considérables ; les maisons étaient pratiquement anéanties. Les gens avaient froid, étaient affamés et brisés. Nous n’avions accès ni à l’eau potable, ni à la nourriture, ni à l’électricité, et les lignes de communication étaient coupées. On apprenait progressivement et dans l’angoisse l’identité des personnes qui étaient décédées.

Après un mois de retour dans notre maison détruite, ma grand-mère est tombée malade. Vivre dans sa maison en ruines, s’inquiéter de la façon dont elle pourrait s’en sortir, essayer d’aller de l’avant tout en voyant tout ce qui l’entoure détruit, en perdant tout… Cela était devenu insupportable pour elle.”

"Perdre ma maison a été difficile et aucun d'entre nous ne l'oubliera, mais c'est la dévastation de l'environnement et de la faune qui m'a brisé le cœur. Pendant les semaines suivantes, le bruit des fusils a retenti, libérant de leurs souffrances des milliers d’animaux qui étaient à l’agonie."
Jann
65 ans, Australie

Jann est une survivante des feux de forêt qui ont ravagé l'Australie d'octobre 2019 à février 2020 à une échelle sans précédent. Elle a dû évacuer sa maison dans l'État de Victoria, qu'elle a perdue, alors qu'elle était encerclée par les méga-incendies. Le soleil n'est pas apparu pendant seize jours. Trois milliards d'animaux ont été touchés et plus de 140 millions de mammifères sont morts, dont plus de 61 000 koalas. Des milliers d'oiseaux ont suffoqué à cause de la fumée. Des cendres se sont échouées sur le littoral pendant des mois. Un cinquième des forêts du pays a été détruit. Jann participe à une action collective pour demander au gouvernement australien de lutter contre le changement climatique. Les feux de brousse de 2019/2020 sont considérés comme l'une des « pires catastrophes naturelles de l'histoire moderne ». Leur intensité et leur probabilité accrue sont attribuées au changement climatique.



“La veille du nouvel an 2019, ma vie a changé à jamais. Depuis une dizaine d’années, j’observais en tant que chercheuse les impacts du changement climatique sur les espèces d’oiseaux et je plaidais pour que des actions soient prises. Mais cette nuit-là, le changement climatique est arrivé à ma porte. Littéralement.

Mallacoota, où je vis, est une petite ville isolée de la Wilderness Coast, dans le sud-est de l’Australie, qui compte environ 1 200 habitants. Entourée par le parc national de Croajingalong, c’est l’une des dernières zones totalement sauvages du pays, qui abrite une grande biodiversité terrestre et marine. Du moins, c’était le cas.

Quelques jours avant le Nouvel An 2019, un incendie à l’ouest s’est rapidement transformé en un brasier se dirigeant droit vers nous. Alimenté par des années de sécheresse et par l’augmentation des températures due au changement climatique, ce feu s’est joint à deux autres venant du nord pour produire l’un des incendies les plus dévastateurs, appelé l’été noir de l’Australie.

Évacuée sur les rives du Bottom Lake de Mallacoota par les services d’urgence, la nuit et la journée que j’y ai passées ont été une épreuve effroyable. Le feu avait encerclé la ville, s’approchant à un moment donné à quelques mètres du quai où nous nous étions réfugiés.

Les images, les odeurs et les sons de cet événement sont gravés dans mon cerveau. Le vent hurlant, le rugissement des flammes et la fumée constamment étouffante qui brûlait le fond de la gorge et laissait les yeux rouges et enflammés.

Des rumeurs sur la destruction causée par les incendies circulaient parmi les personnes réfugiées sur les rives du lac. Il était difficile de savoir à quelles scènes nous serions confrontés lorsque nous serions enfin autorisés à partir. Rien n’aurait pu me préparer à ce que j’ai vu.

Perdre ma maison a été difficile et aucun d’entre nous ne l’oubliera, mais c’est la dévastation de l’environnement et de la faune qui m’a brisé le cœur. Pendant les semaines suivantes, le bruit des fusils a retenti, libérant de leurs souffrances des milliers d’animaux qui étaient à l’agonie. On estime que plus de 3 milliards d’animaux sont morts au cours de l’été noir.

La colère croissante que j’ai ressentie sur ce quai - à l’égard des gouvernements qui ne tiennent pas les entreprises de combustibles fossiles pour responsables de la pollution climatique qu’elles créent, à l’égard des « guerres climatiques » créées par les politiciens et du greenwashing auquel ils participent - est ce qui motive ma participation à cette plainte. Si nous ne pouvons pas compter sur les gouvernements pour légiférer sur la protection du monde naturel dont nous dépendons tous, alors nous devons nous tourner vers le pouvoir judiciaire.”

"Deux jours avant cette tempête, j’avais eu un appel vidéo avec ma mère qui me montrait les framboises qu’elle avait cueillies dans son potager et je lui montrais son deuxième petit-fils âgé de douze jours. Le traumatisme causé par la brutalité de sa mort est ancré en moi."
Elisa
38 ans, France

Élisa et son frère ont perdu leur mère lors de la tempête « Alex » qui a durement frappé la France en 2020. Cette tempête a provoqué des inondations soudaines et massives qui ont détruit plusieurs vallées du sud-est de la France, dont la vallée de la Vésubie où vivait leur mère. Les inondations ont détruit des ponts, des routes et des maisons entières, y compris celle de leur mère. Résidant au Canada, Élisa a aidé son frère sur place à la recherche de leur maison emportée par la tempête et du corps de leur mère via les vidéos qu’elles trouvaient en ligne. Ils poursuivent TotalEnergies pour homicide involontaire. La tempête Alex est une violente tempête extratropicale attribuée au changement climatique.



“Le samedi 3 octobre 2020, mon frère m’appelle pour me dire qu’une tempête violente a frappé Saint-Martin-Vésubie et que notre mère ne répond pas à son téléphone depuis la veille. Sa maison, dans le creux de la vallée, était menacée par la montée des eaux du Boréon, rivière devenue un incroyable torrent de boue, rochers et troncs d’arbres en seulement quelques heures.

Lorsqu’elle avait parlé à mon oncle dans l’après-midi du 2 octobre, elle lui disait que sa voiture allait bientôt être emportée par les flots, puis après 16h environ plus de nouvelles. Ma mère est restée dans sa maison, se pensant à l’abri.

Les premiers jours, j’appelais régulièrement la ligne dédiée à Nice pour la liste des gens secourus. Elle n’y apparaissait toujours pas. Depuis le Canada, je continuais désespérément de chercher toutes vidéos qui me montreraient une vue de la maison ou ce qui pourrait en rester.

Le lundi 5 octobre au matin, les routes d’accès au village étant détruites et les communications toujours coupées avec le village, mon frère et mon oncle sont montés par des sentiers de montagne afin de voir si la maison et notre mère étaient encore là. Nous avions besoin de savoir, désespérément. J’attendais impatiemment avec angoisse et c’est lorsque mon frère est remonté plus haut sur la montagne, pour retrouver du réseau, qu’il a pu m’appeler, m’envoyer des visuels et m’annoncer qu’il n’y avait plus de maison.

Rasée, même plus de traces des fondations, une maison de trois étages complètement disparue. Le lit de la rivière du Boréon, à présent déplacé, passait là où était la maison. Le peu d’espoir qui me restait s’évaporant en un instant, laissant à présent ce besoin immense de retrouver le corps de ma mère ou même quelque chose de la maison. Quelques jours plus tard, les secouristes avaient décidé de chercher plus bas dans la vallée. J’avais le sentiment que le corps de ma mère ne serait jamais retrouvé.

Un voisin qui a survécu et qui avait sa maison, à moitié arrachée, un peu plus bas que celle de ma mère, avait vu plusieurs fois des loups qui rôdaient autour de sa maison. Ces loups avaient senti le corps de ma mère en décomposition, son corps fut déterré à la pelle après 13 jours enseveli. Nous étions sans mot, tel un film catastrophe, il était difficile de s’imaginer que c’était bien notre réalité à présent.

Deux jours avant cette tempête, j’avais eu un appel vidéo avec ma mère qui me montrait les framboises qu’elle avait cueillies dans son potager et je lui montrais son deuxième petit-fils âgé de douze jours. Le traumatisme causé par la brutalité de cet événement est ancré en moi.”

"Même si je garderai toujours à l'esprit que je n'ai pas pu sauver Rosa, je suis résolu à honorer sa mémoire en me consacrant à la prévention d'autres tragédies. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour lutter contre la crise climatique et demander des comptes aux responsables."
Benjamin
17 ans, Belgique

Survivant des tragiques inondations subites qui ont touché l'Europe du Nord (Belgique, Allemagne, Luxembourg et Pays-Bas) au cours de l'été 2021, Benjamin a risqué sa vie en essayant de sauver son amie Rosa, âgée de 15 ans, qui a été emportée par la masse d'eau soudaine et violente. Affecté depuis lors, il a créé une association à but non lucratif intitulée « Climate Justice for Rosa » (Justice climatique pour Rosa), qui vise à sensibiliser le public aux conséquences humaines et environnementales du dérèglement climatique dans le monde entier, en commémoration des victimes du changement climatique. Les inondations de 2021 qui ont frappé la Belgique et d'autres pays ont été reconnues comme étant jusqu'à 20 % plus intenses et neuf fois plus probables en raison du changement climatique auquel elles sont attribuées.



“Je m’appelle Benjamin Van Bunderen Robberechts, j’ai 17 ans et j’habite à Dworp, en Belgique.

Le 14 juillet 2021, j’ai participé à un camp d’été pour adolescents à Marcourt, en Belgique. L’objectif principal du camp était de sélectionner les adolescents qui recevraient une bourse pour étudier à l’étranger pendant leurs deux dernières années d’enseignement secondaire. C’est là que j’ai rencontré Rosa. Rosa avait 15 ans et partageait ma conviction que les jeunes pouvaient changer le monde.

Il pleuvait, mais peu importe, nous étions heureux. En fin d’après-midi, le niveau du ruisseau près de la maison où nous logions a soudain commencé à monter. Nous pouvions voir le débit augmenter de seconde en seconde. Nous sommes sortis pour rejoindre un bâtiment situé plus en hauteur sur la colline. Nous marchions dans l’herbe et nous sentions l’eau sur nos pieds. Tout à coup, il y a eu beaucoup plus d’eau, la rivière a commencé à déborder sur le pont que nous devions traverser.

La berge du ruisseau où nous nous trouvions s’est effondrée. J’ai vu Rosa tomber dans l’eau, à quelques mètres de moi. Je n’ai pas réfléchi, j’ai couru vers l’eau et j’ai sauté afin de la rattraper.

La rivière était devenue un monstre brunâtre enragé qui nous entraînait. Au bout d’un moment, nous avons été entraînés sous l’eau. Soudain, j’ai été frappé à la poitrine par un poteau qui sortait du sol. Je l’ai attrapé d’un bras. Je tenais Rosa de l’autre, jusqu’à ce que le monstre me l’arrache. Son corps a été retrouvé trois jours plus tard.

Les jours, les semaines et les mois qui ont suivi la mort de Rosa ont été un enfer pour moi. Je m’enfermais dans ma chambre. Non seulement Rosa était morte, mais elle était morte de la cause sur laquelle je me suis battu depuis des années, je participais à des marches climatiques depuis 2018.

Les inondations qui ont tué Rosa et 220 autres personnes n’étaient pas un événement naturel. Les climatologues s’accordent à dire que les précipitations extrêmes qui les ont causées ont été rendues jusqu’à 20 % plus intenses et 9 fois plus probables en raison du changement climatique anthropique.

Les cicatrices de ce jour tragique ne guériront jamais, certaines choses qui me rappellent les inondations me causent des crises de panique et ma vie sera à jamais différente.

Même si je garderai toujours à l’esprit que je n’ai pas pu sauver Rosa, je suis résolu à honorer sa mémoire en me consacrant à la prévention d’autres tragédies. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour lutter contre la crise climatique et demander des comptes aux responsables. Nous devons reconnaître le coût humain de la crise climatique ; il ne s’agit pas simplement de statistiques, mais de vies perdues et d’avenirs brisés.”

"C'est très effrayant car chaque année, à l'approche de l'été, je me dis : c'est peut-être maintenant que ma maison, que mon quartier va brûler et que ma famille et moi serons blessés ou asphyxiés par la fumée. Je ne veux vraiment pas que cela arrive."
Alexandros
24 ans, Grèce

Alexandros a survécu aux incendies de forêt qui ont ravagé la Grèce en juillet/début août 2021 en raison d'une vague de chaleur et de sécheresse extrêmes. Sa famille et lui ont échappé de justesse aux flammes. Avec d'autres jeunes touchés par les catastrophes climatiques, Alexandros a déjà intenté une action en justice auprès de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) contre les gouvernements européens pour avoir autorisé le traité sur la Charte de l'énergie, qui protège les investissements dans les combustibles fossiles et empêche la transition vers une autre forme d'énergie. La canicule de 2021 et les incendies de forêt en Grèce sont attribués au changement climatique.



“Je m’appelle Alexandros, j’ai 24 ans et je vis en Grèce tout en étudiant à Amsterdam. En juillet 2021, j’ai dû fuir un incendie dans l’Attique.

En plein milieu des vacances d’été, j’étais très heureux d’être de retour chez moi après une année d’études au Royaume-Uni. Mais un jour, je reçois un message du ministère de la protection civile m’informant qu’il y a un incendie à proximité et que je dois fermer les fenêtres à cause de la fumée et des morceaux en feu qui pourraient pénétrer dans la maison. Nous nous rendons compte que nous sentons l’odeur du feu, que nous voyons la fumée et que nous entendons les sirènes au loin. Nous commençons à nous inquiéter et pensons que nous devrions partir. Je ne prends presque rien dans ma chambre car je n’ai pas le temps, et je réalise alors que je ne la reverrai peut-être jamais.

Dehors, de nombreuses voitures tentent de fuir comme nous. La fumée monte derrière nous. La situation est très tendue et stressante, la route est très encombrée. Je ne sais pas à quel point le feu est proche de moi, de ma famille et de ma maison. Je ne sais pas si j’aurai encore une maison où retourner.

Nous avons réussi à nous éloigner en toute sécurité. Dans la soirée, nous avons appris que la zone était à nouveau sûre, alors nous y sommes retournés dans la soirée. Certaines maisons et voitures ont brûlé, la forêt de pins voisine a été réduite en cendres. C’est très stressant de voir tous ces dégâts, et de savoir que plus ma région est chaude et sèche, plus les risques d’incendie sont élevés.

C’est très effrayant car chaque année, à l’approche de l’été, je me dis : c’est peut-être maintenant que ma maison, que mon quartier va brûler et que ma famille” et moi serons blessés ou asphyxiés par la fumée. Je ne veux vraiment pas que cela arrive.”

Les ONG solidaires de notre démarche

Action Justice Climat
Africa Network for Environment and Economic Justice
Alternatiba
ANV COP21
ATTAC
Bushfire Survivors for Climate Action
On est prêt