le classement sans suite de cette plainte par le procureur de la République du tribunal judiciaire de Paris en février 2025, sept plaignants et deux associations, BLOOM et Alliance Santé Planétaire, se constituent aujourd’hui partie civile dans l’attente de l’ouverture d’une information judiciaire par un juge d’instruction. A l’aune des éléments produits, nous attendons que soit reconnue la responsabilité de TotalEnergies et de ses dirigeants et actionnaires, qui ont continuellement alimenté une stratégie climaticide tout en se mobilisant dans une fabrication du doute climatique, le tout au péril de vies humaines et de la biodiversité.
Alors que l’Assemblée générale de TotalEnergies aura lieu le 23 mai 2025, le conseil d’administration a décidé de ne pas soumettre la stratégie climat à un vote des actionnaires, un Say on Climate, comme pour les années précédentes. Cette stratégie est pourtant incompatible avec la limitation du réchauffement planétaire à 2°C, un horizon d’une importance vitale pour la stabilité du Système Terre mais déjà rendu impossible par l’expansion continue de l’exploitation des hydrocarbures par les majors pétrogazières dans le monde, au premier rang desquelles on trouve TotalEnergies. Depuis notre dépôt de plainte, Total a en effet annoncé une vingtaine de nouveaux investissements dans des projets d’extraction d’hydrocarbures, alors que l’Agence Internationale de l’Énergie a annoncé en 2021 que de nouveaux projets d’énergies fossiles sont incompatibles avec la limitation du réchauffement à +1,5°C. Jusqu’en 2030, TotalEnergies prévoit d’investir près de six milliards de dollars par an, soit 33% de ses investissements totaux, dans de nouveaux projets d’énergies fossiles. L’objectif d’augmentation de la production de pétrole et gaz de 3% par an condamne des millions de vies humaines dans une impunité totale.
Ces douze derniers mois, les catastrophes climatiques se sont intensifiées et multipliées partout sur la planète : inondations à Valence en Espagne, cyclone Chido à Mayotte et Garance à La Réunion, ouragan Milton en Floride, feux gigantesques en Californie, Bolivie et Corée du Sud, canicules records en Inde et tout autour du globe… D’après l’ONU, on compte désormais plus d’une catastrophe climatique par jour. Deux des plaignants qui se constituent aujourd’hui partie civile ont d’ailleurs été de nouveau victimes de catastrophes climatiques depuis notre dépôt de plainte simple en mai 2024 : Khanzadi Kapri a revécu le cauchemar des inondations qui l’ont poussée sur les routes du Pakistan en août 2024, tandis que Frank Nicol Marba aux Philippines a assisté, impuissant, entre octobre et novembre 2024, à un mois battant tous les records avec six typhons frappant l’archipel.
Un nouveau classement sans suite démontrerait l’incapacité du droit, et donc de nos sociétés, à empêcher la destruction du monde tel qu’il est stabilisé depuis des milliers d’années et à prévenir les milliards de morts associés à l’anéantissement du Système Terre dans les scénarios à plus de 2°C de réchauffement1. Face à des multinationales surpuissantes, tenant sous leur joug la sphère publique et détentrices du pouvoir de vie et de mort sur la civilisation, BLOOM appelle les citoyens à interpeller les dirigeants politiques pour qu’ils soutiennent l’initiative pour un traité international de non-prolifération des énergies fossiles.
Tout nouveau projet d’exploitation d’énergies fossiles condamne la biosphère et l’humanité à une destruction irréversible. Sortir des énergies fossiles, de façon juste et équitable, n’est pas la préférence de quelques-uns, c’est un impératif collectif vital. Empêcher le globocide est une question existentielle pour l’humanité, qui se joue aujourd’hui.
L’accueil de la conférence des Nations Unies sur l’océan du 9 au 13 juin à Nice, puis les dix ans de l’Accord de Paris à la COP30 en novembre au Brésil, sont pour la France l’occasion de soutenir l’ouverture de négociations pour un traité international de non-prolifération des énergies fossiles.
Qui est visé par la plainte ?
Lorsque la détermination des personnes responsables est complexe et qu’elles ne peuvent pas être intégralement identifiées au préalable, il est possible de déposer une plainte “contre X”, laissant au procureur de République ou au juge d’instruction le soin de décider qui poursuivre.
C’est le cas de notre plainte qui soumet cependant à la justice des éléments importants quant à la responsabilité supérieure des personnes et entités suivantes :
Le dossier de presse complet est à télécharger ici : https://www.totalcriminal.org/pdf/Dossier_de_presse.pdf
Ce matin, trois ONG, BLOOM, Alliance Santé Planétaire et Nuestro Futuro (Mexique) ainsi que huit survivants et victimes du changement climatique déposent une plainte visant le conseil d’administration et les actionnaires de TotalEnergies pour leur contribution au changement climatique et son impact fatal sur les vies humaines et non humaines. Dans un contexte d’intensification des catastrophes climatiques et à trois jours de l’assemblée générale de TotalEnergies, cette action en justice contre la sixième major pétrogazière mondiale pourrait créer un précédent en ouvrant la voie à la responsabilisation des producteurs d’énergies fossiles et de leurs actionnaires devant les juridictions pénales pour le chaos causé par le changement climatique.
TotalEnergies, son conseil d’administration et ses principaux actionnaires sont visés pour les délits suivants : mise en danger de la vie d’autrui, homicide involontaire, abstention de combattre un sinistre et atteinte à la biodiversité. Chaque délit est passible d’au moins un an d’emprisonnement et d’une amende. Le procureur de la République aura toute latitude pour ouvrir une enquête préliminaire ou une information judiciaire afin d’établir les responsabilités pour les faits invoqués. En ce sens, la plainte pénale déposée auprès du tribunal judiciaire de Paris vise notamment les personnes suivantes : le conseil d’administration de TotalEnergies, qui détermine les orientations stratégiques du groupe, le PDG de TotalEnergies M. Patrick Pouyanné, et les principaux actionnaires qui ont voté en faveur des stratégies climatiques pourtant incompatibles avec la limitation du réchauffement global à 2°C et contre les résolutions visant à aligner la stratégie climatique du groupe sur l’Accord de Paris. Il en va ainsi de BlackRock, premier actionnaire de Total, de son 6ème actionnaire, la banque centrale de Norvège, Norges Bank et de bien d’autres.
Les ONG et les huit plaignants espèrent ainsi établir la responsabilité pénale des dirigeants et des actionnaires de TotalEnergies pour leur contribution au changement climatique et les faire condamner pour des décisions passées dont ils savaient pertinemment qu’elles provoqueraient des pertes humaines et des dommages environnementaux considérables.
Cette initiative cherche également à mettre un terme définitif à l’expansion de l’extraction des combustibles fossiles, qui conduit à une situation sans précédent : un “globocide”, c’est-à-dire la perturbation irréversible du Système Terre et de la biosphère dans son ensemble.
En outre, les plaignants souhaitent faire reconnaître que certaines personnes ou entités comme le conseil d’administration et les principaux actionnaires de TotalEnergies ont une responsabilité supérieure dans la destruction globale du monde tel que nous le connaissons.
Hausse du niveau des mers et submersion des côtes, vagues de chaleur meurtrières, méga-incendies, ouragans dévastateurs, inondations et glissements de terrain : le nombre d’événements extrêmes enregistrés a été multiplié par cinq au cours des 50 dernières années, affectant la vie des huit plaignants d’Australie, du Zimbabwe, de France, de Belgique, des Philippines, de Grèce et du Pakistan, ainsi que celle de millions d’autres êtres humains et de milliards d’animaux. Les catastrophes qui ont ravagé leurs vies, telles que les feux de brousse australiens de 2019, les inondations européennes de 2021 et les inondations pakistanaises de 2022, ont toutes fait l’objet d’études d’attribution scientifiques, qui ont conclu que le changement climatique les avait à la fois renforcées et rendues plus probables.
Les scientifiques ont désormais établi que les catastrophes dites « naturelles » le sont de moins en moins : l’augmentation de leur intensité et de leur fréquence est une conséquence directe du changement climatique, dont les combustibles fossiles sont responsables à 80%.
Bien que l’Agence internationale de l’énergie ait recommandé d’arrêter tout nouveau projet d’exploitation de combustibles fossiles à partir de 2021 dans son scénario à 1,5°C, TotalEnergies a continué à ouvrir des sites pétroliers et gaziers autour du globe. Elle est même devenue la deuxième entreprise d’énergie fossile la plus expansionniste au monde. La communauté scientifique a déterminé que l’ouverture de nouveaux projets d’énergies fossiles n’est pas compatible avec la limitation du réchauffement à des seuils viables.
Les dirigeants et les actionnaires de TotalEnergies sont parfaitement conscients que le changement climatique tue, pourtant ils ont fait le choix cynique d’accroître la production de pétrole et de gaz pour une seule raison : maximiser les profits.
Lors de l’Assemblée générale de 2023, le conseil d’administration a même appelé ses actionnaires à voter contre la résolution visant à aligner les émissions de TotalEnergies sur l’Accord de Paris. Cette résolution cruciale a été rejetée par 70% des actionnaires. Si aucune suite n’est donnée par le procureur de la République d’ici trois mois, les plaignants ont la possibilité de se constituer partie civile et de saisir un juge d’instruction pour demander l’ouverture d’une information judiciaire.
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